dimanche 1 septembre 2013

Athar sur la fréquentation du gouverneur [Sultan] et le statu légal [Houkm] concernant leur visite

 Athar sur la fréquentation du gouverneur [Sultan] et le statu légal [Houkm] concernant leur visite

 Par l’imam As-Souyouti

 Al Ghazâlî -qu’Allâh lui fasse Miséricorde-  a consacré un chapitre dans son livre Al Ihyâ’ au sujet de la fréquentation des sultans et le Houkm (statut) légal concernant le fait de s’asseoir avec eux et d’entrer chez eux, il dit : « Sache que tu as le choix entre trois situations avec les émirs et les califes injustes : la première qui est la pire est de rentrer chez eux, la deuxième qui est moindre est qu’ils viennent chez toi, la troisième qui est la plus prudente est que tu t’écartes d’eux, que tu ne les vois pas et qu’ils ne te voient pas.

 Quant à la première situation qui est le fait de rentrer chez eux, elle est très condamnable dans la législation et a fait l’objet de beaucoup de critiques et de reproches relatés dans les récits et les Âthâr que nous allons rapporter par la suite afin que tu saches que la législation condamne cela. Puis nous préciserons ce qui fait partie de l’interdit, ce qui est permis et ce qui est détestable selon ce que la fatwa requerra d’après la science apparente.

 Al Ghazâli -qu’Allâh lui fasse Miséricorde-  relata ensuite beaucoup de Ahâdîth et de Athâr que nous avons déjà mentionnés.

 Et parmi ce qu’il a cité et qui n’a pas été déjà précédé est cette parole de Soufyân -qu’Allâh lui fasse Miséricorde- : « Il y a dans la géhenne un fleuve habité uniquement par les lecteurs qui rendent visite aux rois. »

Ainsi que la parole d’Al Awzâ‘î : « Il n’y a rien de plus détesté par Allah qu’un savant qui rend visite à un calife. »

 Ishâq -qu’Allâh lui fasse Miséricorde-  dit aussi: « Qu’il est répugnant de trouver chez l’émir un savant dont on a cherché à assister l’assemblée et qu’on a trouvé absent. »

 J’entendis dire : « Si vous voyez le savant rendre visite au sultan alors soupçonnez-le au sujet de votre religion. Je ne suis jamais rentré chez ces gens-là sans faire un examen de mon âme à la sortie et je l’examine en profondeur même si je les affronte avec dureté et que je contredis leurs passions ».

 Sa‘îd Ibn Al Moussayib -qu’Allâh lui fasse Miséricorde-  faisait du commerce d’huile et disait : « Il y a en ceci ce qui nous dispense (d’avoir recours aux) sultans ».

 Wahb -qu’Allâh lui fasse Miséricorde- a dit : « Ceux qui rentrent voir les rois sont plus nuisibles à la Oumma (communauté) que les personnes s’adonnant aux jeux de hasard ».

 Mohammed ibn Maslama -qu’Allâh lui fasse Miséricorde-  a dit : « Les mouches sur les restes de nourriture sont meilleures qu’un lecteur à la porte de ces gens-là ».

 Quand Az-Zahrî s-qu’Allâh lui fasse Miséricorde-  e mit à fréquenter le sultan, un frère dans la religion lui écrivit afin de le conseiller :

 « Qu’Allah nous préserve des Fitan ainsi que toi ô Abâ Bakr, tu t’es mis dans une situation où il convient à celui qui te connaît d’invoquer pour toi et d’implorer la miséricorde d’Allah sur toi.

 Tu es devenu vieux et les bienfaits d’Allah t’ont alourdi alors qu’Il t’a accordé la compréhension de Son Livre et t’a appris la Sounna de son Prophète -sallâ l-Lahû ‘aleyhi wa sallam-. Ceci n’est pas l’engagement que les savants ont pris envers Allah.

 Sache que le plus aisé de ce que tu as commis et le moins grave de ce que tu as porté (comme fardeau) est d’avoir tenu compagnie à celui qui est injuste et que tu as facilité la voie de l’égarement, tu as donné de l’importance à celui qui n’a pas rendu aux gouvernés leurs droits, et qui n’a pas délaissé le faux alors qu’il t’a rabaissé.

 En effet, il t’a pris comme pôle autour duquel tourne le moulin de leur injustice, un pont à travers lequel ils traversent en direction de leur affliction et une échelle par laquelle ils montent vers leurs égarements.

 Par ta faute, ils ont semé la suspicion au sujet des savants et ont meurtri les cœurs des ignorants.

 Ce qu’ils ont construit pour toi est insignifiant par rapport à ce qu’ils ont ruiné en toi. Comme sont nombreuses les choses dont ils t’ont dépossédé en corrompant ta religion. Qu’est-ce qui te garantit de ne pas faire partie de ceux au sujet desquels Allah a dit :

 « Vinrent à leur suite d’autres générations qui délaissèrent la prière et suivirent leurs passions »[1] ?

 Tu as affaire à quelqu’un qui n’est pas ignorant, et ceux qui ont appris de toi ne sont pas insouciants, soigne donc ta religion car s’y est introduite une maladie et prépare ta provision car va survenir un voyage lointain, et rien n’échappe à Allah dans les cieux et sur Terre, wa as Salâm ».

 Il dit [Al-Ghazâlî] -qu’Allâh lui fasse Miséricorde- : « Ces récits et Athâr prouvent ce qu’il y a comme fitan et types de corruption dans la fréquentation des sultans. Mais nous allons détailler cela d’un point de vue juridique, en distinguant l’interdit du blâmable et du permis.

 Nous disons donc que celui qui pénètre chez le sultan est amené à désobéir à Allah soit par son action, soit par son silence, soit par sa parole, soit par sa conviction et ça ne peut sortir du cadre de l’une de ces choses.

 En ce qui concerne l’action, le fait de rentrer chez eux généralement revient à rentrer sur un territoire spolié. L’empiéter et le pénétrer sans l’autorisation de son propriétaire est interdit et le fait de se montrer modeste devant l’oppresseur n’est pas permis en dehors du simple salâm.

 Quant au fait de lui baiser la main et de s’incliner à son service, ceci est un péché.

 Certains salafs ont exagéré au point d’interdire de répondre au salâm et au point de considérer le fait de se détourner d’eux par mépris pour eux, comme l’un des meilleurs moyens de rapprochement (d’Allah). Le fait de s’asseoir sur leur tapis, si la provenance de la plupart de leurs richesses est illicite, n’est pas permis également.

 Quant au silence, c’est le fait de voir dans leur assemblée des couvertures en soie, des couverts en argent, des habits en soie portés par eux et leurs servants. Et toute personne qui voit une désobéissance et se tait à son sujet y a participé. Il peut même être amené à entendre de leur part des paroles vulgaires, des mensonges, des insultes et des nuisances, et le fait de se taire à propos de tout cela est interdit.

 Il se peut que tu rétorques qu’il a peur pour lui-même et qu’il est excusé dans son silence. Ceci est vrai mais il est en mesure d’éviter de s’exposer à ce qui n’est permis qu’en cas d’excuse. Car s’il n’avait pas accepté de renter, il n’aurait pas vu, et il n’aurait pas de comptes à rendre avant de chercher à connaître son excuse.

 Et celui qui connaît l’existence d’une corruption à un endroit et qui sait qu’il ne peut y remédier, il ne lui est pas permis d’y assister par peur que ceci se produise en sa présence, et qu’il soit témoin et se taise ensuite, pire même qu’il conjecture sur ce qu’il a vu.

 Quant au fait de parler, c’est d’invoquer en faveur d’un injuste ou de lui faire des éloges, d’approuver ce qu’il dit de faux, que ce soit avec une expression claire, en hochant la tête, en souriant, ou en lui manifestant de l’amour et de l’alliance, en désirant ardemment le rencontrer et en se souciant de sa longue vie et de sa conservation.

 La plupart du temps, ça ne se limite donc pas au sâlâm et sa parole n’affecte pas cet imâm.

Quant aux invocations, il ne lui est pas permis d’en faire en dehors des formules suivantes : ‘Qu’Allah te réforme, qu’Allah te facilite le bien, qu’Allah prolonge ta vie dans son obéissance’ ou quelque chose de similaire. Mais il ne lui est pas permis d’invoquer son Seigneur pour qu’Il le préserve, le maintienne en vie longtemps, le comble de bienfaits, ou quelque chose de similaire.

 En effet, le Prophète -sallâ l-Lahû ‘aleyhi wa sallam- a dit : « Celui qui invoque en faveur d’un injuste en demandant à Allah de le maintenir (en vie) aura délibérément désobéit à Allah sur Sa Terre ».

 S’il va plus loin que l’invocation, en lui faisant des éloges et en citant des qualités qu’il ne possède pas, il sera alors soit un menteur, soit un hypocrite, soit quelqu’un qui honore les injustes.

Ces trois choses constituent un péché comme indiqué dans le hadîth du Prophète -sallâ l-Lahû ‘aleyhi wa sallam- : « Allah se met en colère lorsque le Fâsiq[2] se fait complimenter ».

 Selon un autre récit : « Celui qui a honoré un Fâsiq a contribué à démolir l’islam ».

 S’il va plus loin encore en l’approuvant dans ce qu’il dit et en complimentant ses actions, il sera désobéissant de par son approbation et l’aide apportée car les compliments et les éloges constituent une aide à la désobéissance et un encouragement à celle-ci de la même façon que la désapprobation, le blâme et l’enlaidissement (de ses paroles et actes) constituent une réprimande et un affaiblissement des causes qui mènent à elle.

 Appuyer quelqu’un dans sa désobéissance ne serait-ce que par la moitié d’un mot est une désobéissance.

 Soufyân -qu’Allâh lui fasse Miséricorde- fut interrogé au sujet d’un injuste qui était sur le point de mourir : « S’il demande à boire, peut-on lui donner de l’eau ? »

 Il -qu’Allâh lui fasse Miséricorde- dit : « Non, laisse le mourir car cela constituerait un appui pour lui. »

 Aussi, il n’est pas à l’abri que la corruption pénètre son cœur car il verra les immenses bienfaits dont jouit (le sultan injuste) et dépréciera les bienfaits qu’Allah lui a accordés. Il aura ainsi fait fi de l’interdiction du Prophète -sallâ l-Lahû ‘aleyhi wa sallam- qui a dit : « Ô vous, groupe d’émigrés, ne rentrez pas chez les gens de la dounya, ceci est certes un motif qui mène à la déconsidération des bienfaits ».

 Sans oublier l’exemple qu’il donne aux autres en rentrant (chez ces gens), cela constitue un assombrissement pour sa personne et une charge pour les autres si c’est quelqu’un d’important.

 Par conséquent, il s’agit soit de choses blâmables, soit de choses interdites; et il n’est permis de rentrer chez eux qu’en deux types de circonstances :

     La première : que (la convocation) soit de leur part un ordre contraignant et pas une simple marque de respect.

 Il doit être certain que s’il s’abstient de s’y rendre, il sera sujet aux nuisances.

       La deuxième : que le but de rentrer (chez les sultans) soit de repousser l’injustice commise à l’encontre d’un musulman, ceci est autorisé à condition qu’il ne mente pas et qu’il ne délaisse pas un conseil dont il suppose l’acceptation. »

 Puis il [Al-Ghazâlî] -qu’Allâh lui fasse Miséricorde- dit : « Et si tu dis : les Salafs rentraient chez les sultans je te dirais que ce fut en effet le cas, mais renseigne-toi au préalable sur la manière dont ils se rendaient chez eux, une fois que ce sera fait, tu pourras t’y rendre.

 En effet, on relate que Hichâm Ibn Abdel Mâlik -qu’Allâh lui fasse Miséricorde- est venu pour le pèlerinage à la Mecque ; dès qu’il entra, il dit : « Amenez-moi un homme parmi les compagnons. »

 On lui répondit : « Ô émir des croyants, Ils sont tous morts. »

 « Un parmi les Tâbi‘în alors », demanda-t-il.

 On lui ramena Tâwoûs Al Yamâni -qu’Allâh lui fasse Miséricorde-.

 Dès que ce dernier entra chez le sultan, il se déchaussa au bord du tapis et lui adressa le salâm sans l’interpeller par son titre « émir des croyants ».
Au lieu de cela, il dit : « As-salâmou ‘alayka ô Hichâm ».

 Il ne l’appela pas non plus par sa kounya[3] mais plutôt s’assit face lui en demandant : « Comment vas-tu Ô Hichâm ? ».

Hichâm se mit en colère au point qu’il faillit le tuer et lui demanda ce qui le poussait à agir de la sorte.

 Tâwous -qu’Allâh lui fasse Miséricorde- dit : « A agir comment ? »

 Hichâm s’énerva de plus belle et lui répondit : « Tu t’es déchaussé au bord de mon tapis, tu n’as pas baisé ma main, tu ne m’as pas salué en m’appelant émir des croyants, tu ne m’as pas non plus appelé par ma kounya et tu t’es assis en face de moi sans m’en demander la permission et tu m’as interpellé en disant ‘ô Hichâm’ ».

 Tâwous lui répondit: « Concernant le fait de m’être déchaussé au bord de ton tapis, je le fais cinq fois par jour entre les mains de mon Seigneur, il ne me punit pas, ni ne se met en colère contre moi.

 Quant au fait que je n’ai pas baisé ta main, et bien j’ai entendu Alî Ibn Abi Tâlib -qu’Allâh l’agrée- dire : « Il n’est permis à personne de baiser la main de quelqu’un si ce n’est sa femme par désir ou son fils par miséricorde. »

 Quant au fait de ne pas t’avoir salué en t’appelant ‘émir des croyants’, c’est parce que tout le monde n’est pas satisfait de ton émirat, et je déteste mentir.

 Pour ce qui est de ne pas t’avoir appelé par ta kounya, Allah soubhânahou wa ta‘âla a appelé ses alliés en disant : « Ô Dawoûd, ô Yahyâ, ô ‘Îssâ » et a appelé ses ennemis par leur kounya :

 « Périssent les mains d’Abôu Lahab ».

(Sourate 111, Verset 1.)

 Si je me suis assis face à toi, c’est parce que j’ai entendu Alî Ibn Abî Tâlib -qu’Allâh l’agrée- dire : « Si tu veux regarder un homme parmi les gens du feu, regarde un homme assis et autour de lui un groupe de gens se tenant debout. »

 Hichâm lui dit alors : « Conseille-moi ! »

 Il -qu’Allâh lui fasse Miséricorde- dit : « J’ai entendu Alî Ibn Abî Tâlib -qu’Allâh l’agrée- dire : « Il y a dans la géhenne des serpents tels une clôture et des scorpions tels des mules, ils mordent chaque émir qui est injuste envers ses gouvernés. » »

 Il se leva alors et sortit. »

 Soufyân Ath-Thawrî -qu’Allâh lui fasse Miséricorde- a dit : « Je suis rentré chez Abû Dja‘far à Mina, il me demanda quelle était ma requête.

 Je dis : « Crains Allah, tu as propagé ton injustice et ton oppression sur terre. »

 Il pencha la tête et dit : « Présente-nous ta requête. »

 Je lui dis : « Tu as atteint ce rang par le sabre des émigrés et des Ansâr alors que leurs enfants meurent de faim, crains donc Allah et donne leur leurs droits »

 Il continua : Il pencha alors la tête et me dit à nouveau : « Présente-nous ta requête. »

 Je lui répondis : « ‘Omar Ibn Al Khattâb, qu’Allah soit satisfait de lui, a demandé à son trésorier alors qu’il accomplissait le Hadjdj le montant de leurs dépenses. »

 Ce dernier lui répondit : « Quelques dizaines de Dirham, je vois là des objets que les chameaux ne supportent pas de porter’. » ».

 C’est ainsi qu’ils rentraient voir les sultans quand ils y étaient contraints, les savants de la vie dernière fuyaient avec leur âme vers Allah, quant aux savants de la Dounya, ils rentrent chez eux pour être plus proches de leurs cœurs, pour leur indiquer des permissions religieuses et grâce à de fines ruses, ils déduisent une étendue (d’interprétations) conformes à leurs intérêts. »

 Source : Ce que les premiers érudits ont relaté concernant le de se rendre chez le Sultan

[1] Sourate 19, Verset 59.

[2] « Fâsiq » signifie « pervers ».

[3] « Kounya » : Surnom musulman débutant par « abou » pour un homme signifiant « père de » et « oummou » pour une femme voulant dire « mère de ». C’est une sounna enseignée par le prophète, -sallâ l-Lahû ‘aleyhi wa sallam- que de prendre une kounya, généralement on porte la kounya indiquant le prénom de l’enfant aîné mais ce n’est pas une règle absolue car c’est également une sounna de choisir une kounya quand on n’a pas d’enfants.



 

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